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My daily planet
19 janvier 2009

A tous mes détracteurs

Pas mères et pas amères

Famille. Témoignages de femmes sans enfants et qui le revendiquent.

RECUEILLI PAR EMMANUÈLE PEYRET

    «Nullipare»: quel vilain mot recouvrant une double réalité. Ceux et celles qui n’ont pas pu avoir d’enfants (childless), et ceux et celles qui n’en n’ont pas voulu (childfree), selon le terme lancé en 1972 à l’occasion de la création de la National organisation for non-parents).

    C’est aussi le titre d’un livre paru récemment, qui veut, selon son auteure, Jane Sautière, interroger «l’ahurissant mystère de ne pas avoir d’enfant comme on interroge l’ahurissant mystère d’en avoir». (1).

    Une question intime, qui comprend autant de raisons que d’histoires personnelles. Bien sûr, il y a des «militants» comme ces Childfree network des années 90 aux Etats-Unis, groupements de non-parents prônant un mode de vie sans enfants. Ces femmes des années 70 qui revendiquaient la non-maternité comme un symbole de la lutte féministe.

    Aujourd’hui, certains sites (2) se font l’écho de ce que recouvre le terme childfree, de la simple demande de reconnaissance de la société, à l’activisme - le plus radical du genre - du Mouvement pour l’extinction volontaire de l’humanité. Sans aller jusque-là, l’argument écologique est souvent avancé (la Terre va trop mal).

    Il y a aussi d’autres raisons mises en avant: ne pas répéter les erreurs de ses parents ; ne pas se sentir capable d’élever un enfant dans une société qui chante les louanges de la France si féconde, remportant la palme du maximum de bébés par femme en Europe (3). Autant d’arguments (mais doivent-elles se justifier ?) que ces femmes «nullipares» avancent, dans un combat compliqué contre la pression sociale. A chacune son histoire, en voici deux. Des femmes, parce que la pression sociale s’exerce plutôt sur elles.

    Marie-Christine, 56 ans: «Simplement  terrifiée à l’idée  d’être mère»

    «C’est une vraie question… Ou une non-question. Moi ,je l’ai résolue par la terreur d’être mère, d’abord. Quand on en parlait avec mes copines, copines féministes et plutôt intellos, il y avait la fraction armée, si j’ose dire, qui brandissait leurs corps comme une arme de liberté en clamant haut et fort qu’elles ne se laisseraient jamais aliéner. Qu’on avait d’autres combats à mener que de torcher des mômes. Il y avait celles qui parlaient d’une autre voie, pas celles de nos mères, un truc à inventer dans l’idée de la maternité/féminité. De la beauté et de la complication de pouvoir choisir.

    Et il y avait moi, simplement terrifiée à l’idée d’avoir un enfant. D’ailleurs, quand j’ai eu 31 ans, je me suis retrouvée enceinte : j’ai tourné en rond jusqu’à l’avortement, affolée, en panique absolue. Hasard ? Tentative cachée ? Je ne crois pas à l’accident. Mais impossible d’imaginer avoir un enfant. Peut-être que j’étais en relation symbiotique avec mon mari, rencontré très jeune, qu’on est resté un couple d’ados, qui sort quand il veut, part en vacances sans s’emmerder avec les dates scolaires, etc. Autour de moi, tout le monde, ou presque, a des enfants. Je suis tante, marraine, amie, confidente, je ne crois pas regretter ce choix, ou ce non-choix, comme on veut. Peut-être aussi que j’ai toujours voulu rester la fille de mes parents, la petite dernière. Que je n’ai jamais pu couper ce lien-là. Après plusieurs années d’analyse, c’est une question à laquelle je n’ai jamais pu répondre.»

    Valérie, 41 ans: «Je n’ai jamais éprouvé, dans mes tripes,  le désir d’enfant»

    «Quarante ans et pas d’enfant… Suffisant pour susciter la réprobation des natalistes de tous poils, de plus en plus nombreux sous nos tropiques plus fertiles même que la catholique terre d’Irlande ; assez pour provoquer, malgré soi, la compassion de quelques-uns, accablés par le ratage de votre vie de femme inaccomplie. Un choix, non. Je fais partie de cette minorité qui n’a jamais éprouvé dans ses tripes ce qu’il est convenu d’appeler le désir d’enfant.

    Si mes entrailles, mon ventre, s’étaient manifestés, si, et je dis bien si, mon homme m’avait posé un ultimatum «la maternité ou la rupture», il en aurait peut-être été autrement. Faute d’évidence, j’ai gambergé, intellectualisé.«Avoir un enfant alors que nous évoluons dans un monde fini (trop de population, pas assez de ressources), à quoi bon ?» Et surtout : «J’ai du mal avec moi-même, mon image, alors un mini-moi, pas possible !»«Et si le petit héritait de ma noirceur, de mon rapport assez désespéré au monde ?»

    S’ajoute à cela mon sens de la famille très relatif : les liens du sang n’ont, à mes yeux, aucune valeur particulière. Je ne vois là que codes et conventions sociales. Biologiquement, une maternité est encore jouable, mais encore une fois, ce serait une concession à l’époque, ou même aux encouragements des copines. Mon voyage à moi passe plus certainement par l’adoption. Je déteste l’idée du «droit à l’enfant» qui apparaît aujourd’hui. Mon propos est plutôt de considérer que ces mômes (à adopter) sont là et ont des droits. C’est assez différent.»

    (1) Editions Verticales, Libération du 12 janvier. (2) http://childfree.moonfruit.fr (3) Soit 2,02 enfants par mère, comme l’a révélé l’Insee la semaine dernière

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