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My daily planet
7 juillet 2012

C'est quoi le Boson de Higgs?

Damien Jayat
Médiateur scientifique
Publié le 07/05/2008 à 13h06

Pourquoi certains humains pèsent 45 kilos et d’autres 130 ? La réponse est facile : le plus lourd doit porter de gros muscles, un peu de gras autour des intestins ou un squelette plus long. Dans tous les cas c’est une question de dose. La masse dépend du nombre de cellules ou de molécules qui composent l’objet. Mais une question hante les physiciens, qui ne savent pas se contenter du simple : pourquoi la masse existe, et surtout comment existe-t-elle ?

On n’explique que 4% de la composition totale de l’univers

D’après les dernières théories, la matière connue de l’univers est composée de particules élémentaires qui, selon les conditions, peuvent mener une vie solitaire ou s’assembler avec quelques copines. Sur Terre, elles sont presque toujours regroupées en atomes selon une recette bien connue. Vous avez besoin de trois types de particules : des quarks, des gluons, des électrons. Prenez deux quarks U et un quark D que vous liez en sauce à l’aide de gluons (dont le rôle est comme leur nom : collant), vous obtenez un proton. Avec deux quarks D, un seul quark U et un nouveau lot de gluons, vous confectionnez un neutron. Versez les neutrons sur la sauce de protons, vous récupérez un beau noyau.

Pour la dernière touche, saupoudrez quelques électrons autour du noyau et l’atome est prêt à consommer. Depuis un siècle les physiciens s’acharnent à dresser la liste des particules qui composent l’univers et à établir leur carte d’identité : taille, masse, charge électrique, fonction exacte, etc.

Mais leur travail reste encore incomplet. Premier problème, et pas des moindres : avec la matière identifiée à ce jour, on n’explique que 4% de la composition totale de l’univers, soit en gros celle qui compose les atomes. Les chercheurs traquent donc les 96% restants qui virevoltent au-dessus de nos têtes, observant les tréfonds de l’univers à s’en décrocher les cervicales.

En listant les particules, les chercheurs ont aussi remarqué que certaines ont une masse alors que d’autres ne pèsent rien (le photon par exemple). De plus, toutes les masses possibles ne sont pas représentées. La population humaine accueille au moins un représentant de chaque masse comprise entre 15,3 et 130,9 kilos, mais on ne trouvera peut-être jamais de particule dont la masse est comprise entre celle de la particule W (80,4 GeV - prononcez « giga électrons-volts, unité de masse réservée à l’infiniment petit) et celle de la dénommée Z0 (91,2 GeV).

De nouvelles questions sont alors offertes aux chercheurs : d’où vient la masse ? D’où vient le fait que certaines particules soient lourdes alors que d’autres ont une masse nulle ? Comment peut-on exister sans avoir de masse ? Pourquoi les particules ont telle masse et pas une autre ?

Une nouvelle particule dans le bestiaire quantique officiel

Pour répondre à ces questions, le physicien anglais Peter Higgs a proposé en 1964 une solution alléchante. Il suffirait d’introduire une nouvelle particule dans le bestiaire quantique officiel pour que des explications surgissent. Le nouveau venu appartiendrait à la famille des bosons, qui sont la source des forces maintenant les autres particules ensemble (le gluon dont nous avons parlé plus haut est un boson : il colle les quarks entre eux).

Et comme les physiciens regorgent d’imagination et de reconnaissance, ils l’ont appelé “boson de Higgs”. L’idée est la suivante : le boson de Higgs, s’il existe, serait une particule très lourde. Elle créerait autour d’elle une force d’attraction, comme un aimant attire le fer ou comme la Terre maintient vos pieds sur la moquette. Cette force agirait alors sur les autres particules et s’opposerait à leur déplacement. Imaginez que vous lâchez une boule de pétanque au-dessus d’un grand bol de purée de carottes : la boule fend l’air à toute vitesse, puis se vautre dans la purée et, subitement, avance bien moins vite. Elle est freinée par les carottes moulues.

C’est le même phénomène chez les particules : par leur interaction avec les bosons de Higgs, elles sont freinées dans leur mouvement. Plus elles sont freinées, plus le physicien qui les scrute aura la sensation d’observer des particules lourdes. Voilà pourquoi la masse existe et varie d’une particule à l’autre. Si l’une d’elles n’interagit pas du tout avec le boson de Higgs, elle n’aura pas de masse mesurable.

Voilà pourquoi le photon, par exemple, a une masse nulle. Enfin, pour expliquer que toutes les masses ne sont pas représentées dans la nature, deux possibilités : soit il existe un seul boson de Higgs ne pouvant interagir que selon un nombre limité de combinaisons ; soit il existe plusieurs bosons, chacun possédant son mode d’action sur les autres particules.

Dans les deux cas, les interactions possibles entre le boson de Higgs et les autres particules sont limitées en nombre, et du coup les masses apparentes le sont aussi. Comme vous voyez, l’hypothèse du boson de Higgs tient la route et fournit des réponses solides à des questions fondamentales de la physique moderne. Reste un détail à régler : ce fameux boson, on ne sait toujours pas s’il existe. Voilà 44 ans qu’on a suggéré sa présence, mais pas moyen de mettre l’œil dessus.

Deux milliards de haute technologique pour débusquer le boson manquant

Alors les moyens, justement, ont été déployés. Les grands moyens. On a construit au nord-ouest de Genève un immense accélérateur de particules de 27 km de circonférence, protégé à 100 mètres sous terre, refroidi à -271°C et pour un budget de 2 milliards d’euros. Il s’appelle LHC (abréviation anglaise de Grand collisionneur de hadrons) et doit permettre d’accélérer deux jets de protons à (presque) la vitesse de la lumière puis de les fracasser l’un contre l’autre.

L’énergie de la collision sera théoriquement assez grande pour faire apparaître de nouvelles et grosses particules. Car le principe d’Einstein, simplifié sous la forme E=mc2, nous dit que la masse et l’énergie sont équivalentes. Donc, pour créer une masse (m) élevée il faut apporter une très grande énergie (E). Au sein du capharnaüm produit par la collision des protons, on espère détecter des particules encore inobservées, dont l’existence ou l’absence nous en apprendra de belles sur l’organisation de la matière et de l’Univers.

On croise notamment les doigts pour que le boson de Higgs pointe son nez. Le détecteur Atlas, 7000 tonnes de technologie et plus gros détecteur jamais construit, est là pour le débusquer. L’ensemble du LHC est aujourd’hui assemblé, en cours de refroidissement, et devrait commencer ses expériences durant l’été.

Si le boson de Higgs est bien là où on l’attend, on le trouvera. Les physiciens déboucheront des caisses de champagne, reprendront leurs équations pour y incorporer la fabuleuse trouvaille. Ils pourront alors se pencher sur la question suivante : le boson de Higgs donne leur masse aux particules, mais qu’est-ce qui donne sa masse au boson de Higgs ? Pour répondre à cette question et ainsi éviter de se mordre la queue, les chercheurs sont en train de concevoir… un nouveau détecteur, prévu pour 2015 !



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